Les familles d'accueil sont indispensable à l'abroutissement de l'éducation d'un chien d'assistance. Durant les 16 mois de pré éducation elles établissent des relations particulières.Voici les mots l'une d'elles, touchant, émouvant, VRAI:
"
Julia, Famille d’accueil
"J’ose ce soir t’adresser cette lettre, à toi qui ne sauras ni lire ni comprendre les mots qui la composent.
Lorsque ton regard plonge dans mes yeux, je sais que tu ressens un
autre langage… Celui de notre union, du lien que nous avons tissé jour
après jour, dans cette relation unique d’un maître et de son chien.
Je t’ai appris quelques mots de ma langue, et toi, tu
m’as appris bien plus dans tes silences. Chaque jour, ta dévotion à mon
égard, ton investissement par la joie, ton envie de me combler, ta
motivation à me faire plaisir témoignent d’une capacité que beaucoup de
mon espèce ont perdue …un altruisme à toute épreuve. Que je sois de mon
coté enchantée ou fatiguée, à l’écoute ou dans ma bulle, affectueuse ou
agacée, tu restes fidèle à toi même. Je te remercie durant cette
dernière année, d’avoir été cet être présent et attentif.
Je me suis appliquée à te dorloter également, à
m’occuper de toi ; de ta santé, toi qui ne te plains jamais, de ta
croissance, toi qui ne t’en rends pas compte, de ton éducation, toi qui
es destinée à la plus noble des tâches. Celle d’accompagner une personne
fragilisée dans la société que nous avons créée.
La plupart d’entre nous pensent que le nombre de personnes
handicapées constitue une minorité. Or l’enquète
Handicap-Incapacités-Dépendances réalisé par l’INSEE, met en évidence un
nombre actuel de personnes handicapées en France avoisinant les 12
millions. Pas si minoritaire, donc…Mais nous ne les croisons pas si
souvent parce que notre infrastructure ou nos systèmes d’accès limitent
leur mobilité.
Nous autres, personnes valides, ignorons trop souvent les privilèges que
nous avons mis en place. Privilège d’accès à la poste, dans le train,
au travail ; privilège de déplacement en ville, privilège de possibilité
d’activités sportives ou culturelles… privilège d’aménagement, tout
simplement. Nous avons créé un environnement hostile et souvent
inaccessible pour certains.
Je sais Ekinis, que tu sauras amoindrir cet obstacle
existant, que tu sauras autoriser une personne à mobilité réduite à
accéder davantage à son droit le plus élémentaire, celui d’être parmi
nous, actif et présent…
L’autonomie que tu lui apporteras, le contact que tu
permettras entre lui et les autres changeront sa vie. J’en suis
certaine, car grâce à toi, ma vie a changé. En tant que famille
d’accueil, mon rôle était de te "sociabiliser"… Sais-tu seulement que
c’est toi qui m’as sociabilisée ? _ Avant de te sortir au petit matin,
je ne connaissais pas la femme de ménage de mon immeuble, car elle
travaille à un horaire différent de mon départ. Depuis, nous échangeons
régulièrement quelques mots.
Je ne connaissais pas non plus la dame âgée assise sur ce banc, ni le
petit garçon qui va dans le parc régulièrement, ni la dame de l’accueil
sur le parking des bus, ou ce marchand qui sort de son magasin dès qu’il
te voit passer. Je ne connaissais pas les sourires de tant de personnes
lorsque je fais mon marché, les discussions échangées avant de
traverser la rue, ces liens tissés auprès des gens de mon quartier, ces
amitiés possibles avec d’autres qui promènent leur chien. Alors, oui, je
sais que ton futur maître, grâce à toi, aura infiniment plus
d’occasions d’être en communication avec son entourage ; je sais que le
fauteuil ou le handicap ne feront plus barrière, car tu seras là pour
créer un pont.
Nous avons pris soin l’une de l’autre ces derniers mois,
et aujourd’hui, nous devons nous séparer. Mais je ne te perds pas.
Lorsque quelque chose de vrai est échangé, on le garde pour toujours. Un
peu de moi t’a construite et un peu de toi m’a ouvert des portes ;
l’avenir sans toi sera nécessairement un avenir grâce à toi et je t’en
remercie.
Réciproquement, ton avenir sans moi est un
avenir grâce à moi, et j’en éprouve une profonde fierté, beaucoup de
joie et un sentiment d’apaisement.
Notre chemin initial a été tracé parce qu’il avait un sens, notre
séparation fait partie d’un processus d’union, entre toi et celui qui te
choisira demain. J’ai si souvent lu au fond de tes yeux que tu le
choisiras aussi lorsque vos regards se croiseront, que je te quitte
sereine, ce soir, avec émotion et bienveillance, car ton histoire ne
fait que commencer.
Tendrement."
Julia (Blois - 41)"
Source: www.handichiens.org